Ateliers d’initiation à la recherche 2023-2024

Les égoûts de L’viv. Atelier d’enquête 

S2 – 24h, 9 ECTS
Thomas Chopard (thomas.chopard@ehess.fr), Judith Lyon-Caen (jlc@ehess.fr), Claire Zalc (claire.zalc@ehess.fr)

De juin 1943 à la fin de juillet 1944, un groupe de dix juifs a survécu à la Shoah en se cachant dans les égouts de L’viv (Lwów) avec l’aide de trois égoutiers polonais, non juifs. Cette extraordinaire histoire de survie est rapidement devenue célèbre : plusieurs survivants ont témoigné, à plusieurs reprises, dans des cadres et sur des supports variés. Un journaliste et écrivain australien, Robert Marshall, a fait de cette « histoire héroïque » la matière d’un livre haletant mêlant récit, entretiens et documents (In the sewers of Lwow, 1991) ; la réalisatrice Agnieszka Holland en a fait un film à succès (In Darkness, 2012). En 2021, une équipe de chercheurs et d’« explorateurs urbains » ukrainiens a retrouvé la cachette principale et établit le chemin parcouru sous terre par le groupe. En 2022, l’historienne, architecte et artiste Natalia Romik a consacré une exposition aux « architectures de la survie » à la galerie d’art contemporain Zacheta de Varsovie…
Parmi les survivants se trouvait Jacob Berestycki, le père d’Henri Berestycki, mathématicien, directeur d’études à l’EHESS.

L’atelier se propose de conduire une enquête inédite autour de cette histoire de cachette, de survie et de transmission, en compagnie d’Henri Berestycki. À distance de toute approche anecdotique, on articulera une recherche d’histoire sociale de la clandestinité et de la survie (qui étaient les soixante-dix, puis les 21, puis les 10 – ou 11 – qui se sont cachés et ont survécu ?), une analyse fine de leurs parcours avant et après la guerre et de leurs relations avec leurs sauveteurs, et une étude des mises en mémoire et en récit, stratifiées et parfois concurrentes, à laquelle « les égoûts de L’viv » ont donné lieu. Cet atelier de recherche vise à former les étudiants à la recherche par la recherche, en collectant et explorant ensemble une diversité de sources historiques et de matériaux ethnographiques, littéraires, artistiques : l’enquête collective sera l’occasion de s’approprier les outils de la micro-histoire de la Shoah, d’explorer les archives disponibles sur la vie et la mort dans le ghetto de Lwów (1941-1944), de réfléchir aux liens entre histoire sociale et histoire familiale, aux relations entre survie et récit, ainsi qu’aux conditions sociales et politiques du témoignage et de la mémoire, à l’historicité des formes narratives qui prennent en charge la transmission de la Shoah depuis la fin de la guerre.

Il aura lieu au 54 bd Raspail 
Salle AS1_23
2nd semestre / bimensuel (1re/3e), jeudi 16:00-19:00
du 15 février 2024 au 20 juin 2024
Nombre de séances : 8

Mondes du travail & Mobilisations sociales

Pierre Blavier (pierre.blavier@univ-lille.fr) et Anton Perdoncin (anton.perdoncin@ehess.fr)
S1-S2

Cet atelier part du constat visible que les mondes du travail ont connu ces dernières décennies de profondes évolutions, que ce soit en termes de secteurs d’activité (désindustrialisation), de composition de la main d’œuvre (féminisation, migrations), de statuts d’emploi (essor du travail dit indépendant, aux marges du salariat), de conditions de travail (intensification), ou encore d’encadrement législatif (“loi travail” de 2016, fusion des instances de représentation du personnel, . . . ). Des événements récents tels que les mobilisations des gilets jaunes (à partir de l’automne 2018), contre des projets successifs de réformes des retraites (2020, 2023), ou pour négocier les rémunérations en période d’inflation, sont venus rappeler avec force la centralité des enjeux liés au travail dans la société française contemporaine.
L’atelier sera ainsi un lieu de réflexions sur l’analyse quantitative des transformations du travail, de l’emploi et des formes de participation, mobilisation et conscience politique. Les liens entre travail et politique, position et conscience de classe, sont un questionnement fondateur des sciences sociales, qui continue à faire l’objet de nombreuses contributions donnant lieu à une vaste littérature française et internationale.

De manière à investiguer empiriquement cette articulation, l’atelier reposera principalement sur l’exploitation de première main (avec les logiciels R et RStudio) de grandes enquêtes de la statistique publique sur le travail (Insee : Conditions de travail et Enquête emploi en continu ; Dares : REPONSE, etc) et de l’enquête statistique Participation et Citoyenneté Sociale (Pacs) réalisée en 2021 dans le cadre du panel Elipss (CDSP). Celle-ci a consisté en la passation d’un questionnaire ad hoc à près de 2 000 personnes et visé à documenter à la fois les engagements en entreprise et dans la cité (associations, votes, etc). Il s’agit donc d’un matériau riche et original car peu d’enquêtes se sont jusqu’ici intéressées conjointement à ces deux dimensions même si, comme tout matériau empirique, elle n’est pas dénuée de certaines limites que nous discuterons.

Les étudiant.es, organisé.es en binôme, devront mener une enquête originale, sur un thème à choisir dans une liste proposée par les enseignants (validation sous la forme d’un mini-mémoire).
L’atelier entend allier formation et recherche, et en ce sens alternera séances de travail sur les données, de discussions de résultats, et d’accueil de collègues venant présenter leurs travaux. Plusieurs séances seront ainsi partiellement consacrées à la discussion de travaux de recherche actuels. Chaque étudiant.e devra s’inscrire pour préparer une de ces séances, c’est-à-dire lire précisément une série de textes et discuter la présentation des intervenant.es en séance.
Les participant.es devront utiliser les logiciels R et RStudio. On proposera aussi une formation à RMarkdown et au travail collaboratif avec Git. Cet atelier sera donc aussi un lieu de formation à l’analyse secondaire de données, et à l’administration de la preuve statistique en sciences sociales.

L’atelier est ouvert à tou.tes les étudiant.es du master de Sciences sociales (EHESS, ENS), parcours PDI et QESS. Aucun prérequis en méthodes quantitatives ni en maîtrise logicielle n’est demandé. . . si ce n’est le souhait d’apprendre à mettre en oeuvre des techniques de description et de modélisation statistique des phénomènes sociaux.

Lieu : Campus Jourdan
Dates : 24/11/2023 ; 01/12/2023 ; 15/12/2023 ; 12/01/2024 ; 26/01/2024 ; 16/02/2024 ; 15/03/2024 ; 12/04/2024
Horaires : vendredi 13h30-16h30 L’assiduité à l’ensemble des séances est requise, ainsi que la contribution aux différents travaux collectifs, et la réalisation en binôme d’un mini-mémoire.

Sortir les syndicats pénitentiaires de l’ombre. Pour une sociologie des relations professionnelles du champ carcéral

Nathan Rivet (nathan.rivet@ens.psl.eu) et Corentin Durand (corentin.durand@ehess.fr)
Semestre 1 & 2 – Vendredi après-midi

Janvier 2018. Suite à l’agression d’un surveillant par un détenu au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, une intersyndicale composée des principales organisations représentatives de l’administration pénitentiaire appelle au blocage de prisons sur tout le territoire. Les images de surveillants refusant de reprendre le travail et brûlant des tas de palettes et de pneus à l’entrée de plusieurs établissements font le tour des médias. Après plusieurs semaines de manifestations et de négociations, le mouvement cesse et le syndicat majoritaire signe un accord avec le ministère de la Justice.

Forte participation aux élections professionnelles, nombreux élus dans diverses instances, communication numérique et médiatique saillante, les syndicats pénitentiaires occupent une place importante dans le paysage carcéral français. Pourtant, contrairement à d’autres dimensions du monde pénitentiaire étudiées  par les chercheur-ses en sciences sociales, les syndicats en demeurent un aspect méconnu, quand bien-même ils en sont une partie très visible. Actifs au sein des prisons comme en administration centrale et liés -mais pas que- à de grandes centrales syndicales (FO, UNSA, CGT…), les syndicats des personnels pénitentiaires sont devenus un rouage de l’action publique pénitentiaire, au même titre que les syndicats d’autres forces de l’ordre. Cet atelier a pour objectif d’enquêter collectivement sur les multiples dimensions des syndicats pénitentiaires, allant de leur activité à leurs revendications et leurs modes d’action en passant par leurs évolutions, leur rôle politique ainsi que leurs différences intersectorielles ou internationales. Les étudiant-es choisiront, en lien étroit avec les encadrants du cours, leur question de recherche. L’atelier formera les participant-es aux différentes étapes de l’enquête : trouver son objet d’étude, construire son protocole, faire des aller-retours entre empirie et théorie, analyser ses matériaux, écrire d’un rapport de recherche, restituer et discuter en format séminaire.

L’évaluation comprendra plusieurs notes. L’atelier repose sur la participation active des participant-es. Au fil du semestre, une série de courts rendus ou, parfois, de présentations de la recherche en train de se faire, viendra évaluer l’investissement des étudiant-es. L’ensemble de ces étapes conduira, par étapes, à l’écriture d’un rapport de recherche qui constituera la majeure partie de la note finale.

L’atelier est ouvert à tous les étudiant-es de l’ENS et de l’EHESS. Pour pouvoir mener l’enquête collective dans les meilleures conditions, l’atelier est limité à 12 places et nécessite une inscription préalable. Les étudiant-es souhaitant s’inscrire à l’atelier doivent prendre contact avec l’enseignant (nathan.rivet@ens.psl.eu). Une expérience préalable d’enquête en sciences sociales n’est pas nécessaire, mais recommandée.
Dates et heures : 6/10 : 14h-15h30 ; 20/10 : 14h-16h ; 10/11 : 14h-16h ; 24/11 : 14-16h ; 8/12 : 14-15h30 ; 26/01 : 14h-17h ; 16/02 : 14h-17h ; 15/03 : 14h-17h ; 05/04 : 14h-17h ; 10/05 : 14h-17h.

Vivre au contact des risques industriels et nucléaires

S1 et S2 – 24h, 9 ECTS
Alexis Spire (alexis.spire@gmail.com)
Atelier ouvert aux étudiant.es de M1 et de M2.
L’objectif de cet atelier est de conduire une enquête collective sur la perception des risques industriels et nucléaires par les habitant.es qui résident dans ces zones. Le terrain choisi est celui du littoral dunkerquois qui regroupe une vingtaine de sites classés dangereux à très dangereux du point de vue des accidents industriels auxquels s’ajoute la présence de la plus grande centrale d’Europe (six réacteurs). En 2023, une enquête collective a été réalisée avec des étudiants du master à Gravelines.
Pour cette deuxième année, l’atelier consistera à nouveau dans la préparation et la réalisation d’une enquête collective dans une autre ville du littoral dunkerquois.
Cet atelier s’inscrit dans le programme de recherche intitulé « Monde d’Avant Monde d’Après » (MAMA) financé par le CNRS.

L’atelier aura lieu le mardi de 9h à 11h aux dates suivantes : 7 novembre, 28 novembre, 19 décembre, 16 janvier, 13 février.
La semaine de terrain aura lieu du 11 au 15 mars 2024.
Nombre de participants limité à 10.
Pour vous inscrire, merci d’envoyer un mail concernant votre intention de participer à cet atelier à alexis.spire@gmail.com

Enquêter les classes sociales en Europe

Étienne Penissat (etienne.penissat@cnrs.fr)
L’atelier se déroule au 48 bd Jourdan en salle R2-05
Vendredi 10:00-12:00
du 13 octobre 2023 au 31 mai 2024
Nombre de séances : 12

Si le processus de formation des classes sociales s’est organisé dans le cadre de la construction des États-nations, en particulier des Welfare States, il a toujours été travaillé par les migrations et par les relations à distances (concurrence, solidarité, etc.) entre classes sociales nationales. La construction d’espaces politiques et économiques globalisés, à l’image de l’Union Européenne, et l’accroissement des migrations pose de façon plus intense la question de la projection des rapports de classe dans des espaces sociaux internationaux voire transnationaux. Qu’est-ce que la configuration de ce type d’espace fait aux rapports de classe ? Dans quelle mesure les circulations de travailleur·se·s, de retraité·e·s, d’étudiant·e·s et de touristes intra et extra-européen·ne·s transforment voire recomposent les rapports de classe ? Assiste-t-on à la formation de classes sociales transnationales ? 

Penser et enquêter les classes dans l’espace social européen implique trois axes de réflexion sociologique. D’abord, il s’agit d’envisager les méthodes et les concepts permettant de comparer les positions de classe et les processus de convergences-divergences entre groupes sociaux à l’échelle européenne. Ensuite, nous questionnons ce que les rencontres et les confrontations qui se nouent entre habitant·es de l’Europe par les migrations (professionnelles, touristiques, scolaires, etc.), font aux rapports de classe. Nous prêtons une attention particulière à l’articulation de ces derniers avec des rapports de genre, de nationalité, de race. Enfin, si ces opportunités de mobilités à l’intérieur de l’espace européen – inégalement distribuées entre détenteur·ice·s d’une nationalité de l’Union européenne et « extra-communautaires » – offrent des ressources économiques, culturelles, sociales et symboliques, nous nous interrogeons sur les effets asymétriques (ou non) de ces mobilités entre les classes sociales et sur la manière dont elles participent (ou non) à la reproduction des rapports de classe. De façon transversale, enquêter les classes sociales et les rapports de classe en Europe nous amène à prolonger les réflexions sur les échelles d’observation et d’analyse et leur variation.

En 2023-2024, l’objectif est de concevoir une enquête collective autour des problématiques du séminaire. Il s’agira de réfléchir ensemble à un protocole d’enquête collective, combinant méthodes quantitatives et qualitatives, et d’entamer une enquête exploratoire avant de déployer l’enquête collective l’année suivante. Des séances bibliographiques ou thématiques (avec un·e intervenant·e invité·e) alterneront avec des séances méthodologiques visant à définir le protocole et les terrains de l’enquête.

Enquête par questionnaire : la répartition des tâches domestiques au sein de la famille

Abel Aussant (Cour des comptes-CRIS-CREST), abel.aussant@sciencespo.fr
Cécile Brousse (ENS-INSEE), cecile.brousse@insee.fr

Mettre en place une enquête par questionnaire est de plus en plus facile grâce aux dispositifs d’enquête en ligne, mais que faire des données une fois qu’elles ont été collectées ? Les principes de la science ouverte nous encouragent à rendre nos données accessibles aux autres (dans le respect de la protection des données personnelles), mais des données peu ou mal documentées sont en réalité inexploitables par les autres (ou par nous dans dix ans).
Cet atelier sera consacré aux étapes qui permettent de transformer un tableau de données en une enquête statistique documentée et exploitable, et d’en tirer de premiers résultats sociologiques. Ces étapes permettent aussi de réfléchir à la qualité des données ainsi collectées : quelles questions s’avèrent décevantes ou intéressantes ? a-t-on oublié des informations importantes ?
Au cours de l’atelier, les étudiants travailleront sur l’enquête statistique collectée l’année précédente dans le cadre de l’atelier Enquête quantitative (Partie 1), avec le logiciel R, pour livrer un rapport d’enquête complet (données, documentation des données, premières exploitation).

Principales compétences développées :

  • Nettoyer des données
  • Documenter des données
  • Réaliser les premières analyses
  • Discuter la qualité des données
  • Effectuer toutes ces opérations en pensant aux personnes qui pourraient exploiter ces données dans le futur (y compris nous-mêmes).

Exploitation des données recueillies l’an dernier dans l’atelier Enquête par questionnaire Partie 1 : nettoyage et documentation des données, premières analyses. Thématique de l’enquête pour 2023-2024 : la répartition des tâches domestiques au sein de la famille.