Ateliers de recherche
Santé et big data
Depuis peu, le domaine de la santé voit poindre un grand nombre de données numériques de natures extrêmement diverses, par exemple les bases de données de l’assurance maladie (SNIIRAM) qui sont dorénavant « ouvertes », les données de séquençage du génome de nouvelle génération, l’ensemble des capteurs qui permettent à chacun d’accumuler des données personnelles, de nouvelles enquêtes épidémiologiques de taille inédite. Cette « mise en données » ou datafication, qui porte sur des données très hétérogènes, facilement circulables et de grande taille, n’est pas naturelle mais le produit d’une activité sociale. Elle a aussi de très nombreux effets sociaux.
Ainsi, la capacité à utiliser ces données nécessite de nouvelles compétences et des outils intermédiaires qui transforment le champ et les rapports professionnels. Qu’il s’agissent d’experts dont les compétences sont reconnues depuis peu ou prennent une importance nouvelle, comme les biocurators, les bioinformaticiens, les biostatisticiens, ou de savoirs profanes comme ceux dont font usage par exemple les adeptes du « quantified self » ou les malades atteints de maladies rares, tous transforment les rapports de pouvoirs professionnels en place et en particulier questionnent la centralité des médecins et du diagnostic médical dans le champ.
Plus largement encore, ces données sont susceptibles de transformer à la fois les pratiques de santé et les politiques de santé publique. D’une part les effets de redistribution entre sphère publique, sphère privée et production de savoirs sont importants. D’autre part des acteurs privés organisés autour de ces données (les compagnies d’assurances, les laboratoires, et les acteurs du champ numériques – les géants GAFA comme les jeunes pousses) négocient de nouvelles positions. Enfin, les usagers/utilisateurs/patients apprennent au quotidien à se voir diffractées en une multitude d’informations stockées dans des bases de données diverses et à les réutiliser pour eux-mêmes personnellement et comme individus collectifs.
Toutes ces transformations ont fait naître un grand nombre de promesses, souvent naïves, concernant leurs effets dans le domaine médical. Le séminaire se propose de ne pas croire à ces promesses, mais d’étudier les transformations des champs de la santé opérées par leur datafication en s’appuyant sur des enquêtes terrains, qui documentent et analysent les pratiques observées et les évolutions que les données engendrent dans des situations concrètes. Le séminaire s’intéresse aux lentes et laborieuses transformations engendrées par ces réels acteurs sociaux que sont les données numériques.