Séminaires liés au master PDI
Depuis des années, particulièrement depuis les émeutes d’octobre-novembre 2005, les banlieues populaires ne cessent de hanter l’actualité sociale et politique française. Le regard des sciences sociales importe aujourd’hui plus que jamais pour éviter les raccourcis et les amalgames essentialistes. Les résultats des enquêtes sociologiques convergent : ségrégation spatiale et sociale croissante, chômage de masse et paupérisation matérielle des quartiers d’habitat social, turn-over des habitants et renouvellement des populations immigrées (départ en nombre des familles maghrébines/installations de la nouvelle vague migratoire issues de l’Afrique subsaharienne ou d’Asie), échec scolaire persistant, affaiblissement des modes d’encadrement social et politique des classes populaires, émergence de nouvelles formes de revival religieux (Islam d’un côté, néo-pentecôtisme de l’autre), notamment dans les diverses fractions de la jeunesse de banlieue et, enfin, diffusion d’un « culturalisme pratique » chez les personnes chargées, dans diverses institutions (scolaire, judiciaire, policière, travail social), de gérer ces « clientèles ».
Faut-il pour autant, à partir de ces constats, évoquer les « territoires perdus de la République » ou un « séparatisme social », cent ans après le thème des « deux nations dans la nation » cher à la société victorienne et à Disraeli ? Le mélange de sensationnalisme, d’essayisme et de misérabilisme qui s’est imposé dans les représentations sociales dominantes, notamment à la faveur de faits divers (assassinat d’Ilan Halimi, dérive meurtrière de Mohamed Merah) et de l’instrumentalisation politique de l’immigration et de l’Islam, a contribué à renforcer le dualisme opposant la France du Centre et celle de la banlieue, hérité de l’urbanisation massive des années 1960. Ce dualisme se décline actuellement sous différentes formes, à travers différents couples d’oppositions qui s’emboîtent : diplômé/non diplômé, culture/inculture, français Blancs/ Noirs et Arabes, « civilisé »/ « sauvage », etc… – renvoyant in fine les « jeunes de banlieue » dans le camp des « barbares », comme le suggère la récente Affaire Richard Millet.
Contre la vision à la fois ethnocentrique et superficielle de « la banlieue » comme ensemble homogène doté d’une altérité radicale (ce « eux » et ce « ils » qui reviennent en permanence dans l’ombre d’un « nous » fantasmatique), l’enquête, ethnographique ou historique, a d’abord pour vertu de faire apparaître de fines différenciations - géographiques, socio-démographiques – à l’intérieur d’un monde perçu le plus souvent à travers le seul prime de la relégation (sociale ou politique). La « banlieue »– qui prend des formes différentes selon l’histoire sociale et urbaine – n’est pas constituée que de quartiers populaires, et dans ces quartiers pas seulement de grands ensembles de logements sociaux, contrairement à l’image qui en a été construite par les acteurs politiques et médiatiques.
Mardi de 17 h à 19 h (salle Paul-Langevin, ENS 29 rue d’Ulm 75005 Paris), du 12 février au mercredi 29 mai 2013